La clairette de die : Appellation méconnue à découvrir dans la vallée du Rhône

par Joanie Metivier en collaboration avec Inter-Rhône

La Clairette de Die, ça vous dit quelque chose? Cette appellation de la vallée du Rhône exclusive à la production de vins pétillants est méconnue, voire mal aimée. On pourrait mettre la faute sur la guerre au sucre des dernières années, mais pour ma part, j’attribue ce manque d’intérêt à l’ignorance seulement. Comment peut-on aimer quelque chose que nous n’avons pas goûté? Pourtant à la dégustation, la clairette plait à tous les consommateurs de toutes générations. Avec ses avantages indéniables, son rapport qualité-prix, son équilibre fruit-sucre-acidité et sa fabrication naturelle, son seul défaut est sa production limitée.

L’appellation

En plein cÅ“ur de la vallée du Rhône, dans le département de la Drôme, apposé sur les parois sud du massif du Vercors, Clairette de die est l’un des vignobles les plus hauts de France avec en moyenne 700 mètres d’altitude. Partageant le territoire avec le Crémant-de-die, le Coteau de die et le Châtillon-en-diois, la Clairette fournit pourtant l’essentiel des volumes. Élaborée selon la méthode ancestrale ou dioise, elle privilégie largement le Muscat. Sur ce territoire drômois de 1600 ha, 88% des 300 producteurs élaborent leurs vins en méthode ancestrale. L’appellation, devenue AOC en 1942 dicte un minimum de 75% de Muscat blanc à petits grains. L’assemblage peut être complété par de la Clairette blanche (plus rarement rose) ou par du Muscat à petits grains rouge. Ces cépages, d’une intensité aromatique légendaire, savent charmer par leurs arômes floraux, parfumés et gourmands.

Alors que la Drôme est un affluent du Rhône, les deux régions partagent peu de points communs. La vallée du Rhône, avec ses vignobles pittoresques et ses berges abruptes (pensez Côte-Rôtie) se transforment juste au sud de Valence, là où les deux rivières se rejoignent. Le Diois (région de Die) est l’un des districts viticoles les plus géographiquement isolés de France. Il se situe à 48 km à l’est de la principale région vinicole de la vallée du Rhône et à plusieurs centaines de mètres plus haut. Le diois n’est pas tout-à-fait dans la partie nord, ni dans la partie sud de la vallée du Rhône, mais bien quelque part entre les deux. Elle est unique en son genre.

Le vin

Aujourd’hui, environ 25% de l’appellation est en bio ou en conversion. De plus, la fermentation alcoolique se fait en levures indigènes. Ce n’est pas obligatoire, mais très répandu.  C’est en 1971 qu’a été validée la « méthode dioise ancestrale » reposant sur une fermentation incomplète en cuve à basse température qui se poursuit en bouteille à partir du sucre résiduel du raisin. Avant que le moût de raisin ne se transforme totalement en vin, il est mis en bouteille et conservé encore quatre mois, parfois plus. Dans les caves maintenues à une température avoisinant les 12 °C, les bouteilles sont jalousement gardées par les producteurs. La fermentation peut ainsi continuer son travail. Elle s’arrêtera naturellement lorsque le vin aura atteint son taux d’alcool naturellement bas (7-8%).

Le résultat est un vin avec un profil riche et complexe, une belle pureté aromatique, une acidité élevée qui porte admirablement un taux de sucre à 35g/l. minimum, mais qui s’élève plus souvent à 60-80g et cette effervescence démultipliant l’intensité aromatique. Les vins sont pleins et fruités et contiennent presque toujours un sucre résiduel d’un niveau demi-sec ou plus. Les sols calcaires et argileux ainsi que les altitudes plus élevées offrent un environnement favorable à la Clairette et au Muscat, permettant ainsi aux raisins de mûrir lentement et de conserver une acidité naturelle élevée lors de la maturation. Autant de paramètres qui plaident en faveur de la Clairette de Die.

Le nom

Il existe différentes versions expliquant la provenance du nom de cette région pétillante et délicate. Bizarrement, il ne porte pas le nom du cépage Clairette, bien qu’il y soit cultivé.

Selon la légende, il y a plus de deux mille ans, dans un pays appelé Le Pays Diois, un berger a déposé un pichet de vin dans les eaux glacées de la Drôme pour le rafraîchir. Le vin a été oublié et laissé dans l’eau froide pendant l’hiver. Le berger est revenu au printemps et, à sa grande surprise, a trouvé le vin juste à l’endroit où il l’a laissé. Quand il ouvrit le pot, il découvrit une légère mousse dans le vin… ce que les Français appellent pétillance. Pendant des siècles, les tribus gauloises ont laissé des jarres de vin dans le fleuve en hiver pour les récupérer au printemps… Le vin mousseux était fabriqué dans cette région depuis des siècles, même à l’époque de Pline, le Muscat était déjà mentionné comme cultivé ici; cependant, il a été le plus largement apprécié à la fin du 19ème siècle. Au tournant du XXe siècle, dans les grandes villes les plus proches, Lyon et Grenoble, le vin pétillant de Die était encore vendu directement dans des fûts – un peu comme le vin Bourru, le vin partiellement fermenté qui est vendu juste après la récolte. Inutile de dire que la levure était en suspension, mais graduellement, elle disparaîtrait, laissant ainsi le dépôt derrière elle. Le nom vient donc supposément de ce phénomène de «clarification» ou de «clairette».

Clairette de die rosé

Oui, elle a existé, la clairette rosé a fait son apparition à la fin de l’année 2016. Après plusieurs années de débats, les producteurs allaient enfin pouvoir assouvir leur envies de donner de la couleur à leurs effervescents. Toutefois, la joie fut brève. En janvier 2018, le Conseil d’État français a annulé l’arrêté du Ministre de l’Agriculture qui avait permis la fabrication du rosé dans le cahier des charges de l’appellation. Bonne chance pour trouver cette production de courte durée, seulement le millésime 2017 pourra arborer le nom de l’appellation. Ce seront des bouteilles d’une rareté historique.

Clairette de die: Little-known appellation to discover in the Rhône valley

by Joanie Metivier in collaboration with Inter-Rhône

Does Clairette de Die mean anything to you? This appellation of the Rhône Valley, exclusive to the production of sparkling wines, is little known, even disliked. We could blame the sugar war of the past few years, but for my part, I attribute this lack of interest to ignorance only. How can we like something we haven’t tasted? However, when tasted, the Clairette appeals to all consumers of all generations. With its undeniable advantages, its quality-price ratio, its fruit-sugar-acidity balance and its natural manufacture, its only defect is its limited production.

The designation

In the heart of the Rhone Valley, in the Drôme department, affixed on the southern walls of the Vercors massif, Clairette de die is one of the highest vineyards in France with an average altitude of 700 meters. Sharing the territory with Crémant-de-die, Coteau de die and Châtillon-en-diois, Clairette nevertheless provides most of the volumes. Developed according to the ancestral or dioise method, it largely favors Muscat. In this 1600 ha Drôme territory, 88% of the 300 producers make their wines using the ancestral method. The appellation, which became AOC in 1942, dictates a minimum of 75% white Muscat with small grains. The blend can be completed with white Clairette (more rarely pink) or with small red berry Muscat. These grape varieties, of legendary aromatic intensity, know how to charm with their floral, fragrant and gourmet aromas.

While the Drôme is a tributary of the Rhône, the two regions share few points in common. The Rhône valley, with its picturesque vineyards and steep banks (think Côte-Rôtie) transforms just south of Valence, where the two rivers meet. Diois (Die region) is one of the most geographically isolated wine districts in France. It is located 48 km east of the main wine region of the Rhone Valley and several hundred meters higher. The diois is not quite in the northern part, nor in the southern part of the Rhône valley, but somewhere in between. It is one of a kind.

Wine

Today, around 25% of the appellation is organic or in conversion. In addition, alcoholic fermentation takes place in indigenous yeasts. It is not compulsory, but very widespread. It was in 1971 that the “ancestral dioise method” was validated, based on an incomplete fermentation in vats at low temperature which is continued in the bottle from the residual sugar of the grapes. Before the grape must is completely transformed into wine, it is bottled and kept for another four months, sometimes longer. In the cellars maintained at a temperature of around 12 ° C, the bottles are jealously guarded by the producers. Fermentation can thus continue its work. It will stop naturally when the wine has reached its naturally low alcohol level (7-8%).

The result is a wine with a rich and complex profile, a beautiful aromatic purity, a high acidity which admirably brings a sugar level to 35g / l. minimum, but which more often rises to 60-80g and this effervescence multiplies the aromatic intensity. The wines are full and fruity and almost always contain residual sugar of a semi-dry level or more. The limestone and clay soils as well as the higher altitudes offer a favorable environment for Clairette and Muscat, allowing the grapes to ripen slowly and to retain a high natural acidity during maturation. So many parameters that argue in favor of Clairette de Die.

The name

There are different versions explaining the origin of the name of this sparkling and delicate region. Oddly, it is not named Clairette, although it is grown there.

According to legend, more than two thousand years ago, in a country called Le Pays Diois, a shepherd placed a pitcher of wine in the icy waters of the Drôme to cool it. The wine was forgotten and left in cold water during the winter. The shepherd returned in the spring and, to his surprise, found the wine right where he left it. When he opened the jar, he discovered a slight foam in the wine … what the French call sparkling. For centuries, the Gallic tribes left jars of wine in the river in winter to recover them in the spring… Sparkling wine had been made in this region for centuries, even in Pliny’s time, Muscat was already mentioned as grown here; however, it was most widely appreciated in the late 19th century. At the turn of the 20th century, in the nearest large cities, Lyon and Grenoble, the sparkling wine of Die was still sold directly in barrels – much like Bourru wine, partially fermented wine which is sold just after harvest. Needless to say, the yeast was in suspension, but gradually it would disappear, leaving the deposit behind. The name therefore supposedly comes from this phenomenon of “clarification” or “clairette”.

Clairette de die rosé

Yes, it did exist, the rosé Clairette appeared at the end of 2016. After several years of debate, the producers were finally going to be able to quench their desire to give color to their sparkling wines. However, the joy was brief. In January 2018, the French Council of State canceled the decree of the Minister of Agriculture which had allowed the production of rosé in the specifications for the appellation. Good luck finding this short-lived production, only the 2017 vintage will be able to display the name of the appellation. They will be bottles of historic rarity.